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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/735

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il faudra écrire l’histoire de votre père, ne fût-ce que pour le faire aimer à vos enfans qui ne l’auront pas connu. Donnez maintenant à celui que vous avez connu à peine vous-même, et qui vous aimait tant, une marque d’amour et de respect. Je vous dis que de là où il est maintenant, il vous verra et vous bénira. »

J’étais assez émue et exaltée moi-même pour trouver tout simple ce que me disait mon pauvre précepteur. Je n’y éprouvai aucune répugnance, je n’y trouvais aucune bizarrerie ; j’aurais blâmé et regretté qu’ayant conçu cette pensée, il ne l’eût pas exécutée. Nous descendîmes dans la fosse et je fis religieusement l’acte de dévotion dont il me donna l’exemple.

« Ne parlons de cela à personne, me dit-il, toujours calme en apparence, après avoir refermé le cercueil, et sortant avec moi du cimetière : on croirait que nous sommes fous, et pourtant nous ne le sommes pas, n’est-il pas vrai ?

— Non, certes, » répondis-je avec conviction.

Depuis ce moment j’ai observé que les croyances de Deschartres avaient complétement changé. Il avait toujours été matérialiste et n’avait pas réussi à me le cacher, bien qu’il eût soin de chercher dans ses paroles des termes moyens pour ne pas s’expliquer sur la Divinité et l’immatérialité de l’âme humaine. Ma grand’mère était déiste, comme on disait de son temps, et lui avait défendu de me rendre athée. Il avait