Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de voir une étrangère dans la maison. Elle n’avait pas de repos qu’elle ne l’eût fait renvoyer.

Mais plus elle allait, plus elle perdait ses forces. Elle se plaignait alors d’avoir trop d’ouvrage et de n’être point secondée. Et vite le curé de reprendre une aide qu’il fallait renvoyer de même au bout de huit jours. C’était une criaillerie perpétuelle, et le curé s’en plaignait à moi, car j’avais trente et quelques années qu’il vivait encore… « Hélas ! disait-il, elle me rend très malheureux, mais que voulez-vous ? Il y a soixante et sept ans que nous sommes ensemble, elle m’a sauvé la vie, elle m’aime comme son fils, il faut bien que celui qui survivra ferme les yeux de celui qui partira le premier. Elle me gronde sans cesse, elle se plaint de moi comme si j’étais un ingrat : je tâche de lui prouver qu’elle est injuste, mais elle est si sourde qu’elle n’entend pas la grosse cloche ! » Et, en disant cela, le vieux curé ne se doutait pas qu’il était sourd lui-même à ne pas entendre le canon.

Il n’était pas très aimé de ses paroissiens, et je pense qu’il y avait bien au moins autant de leur faute que de la sienne : car, quoi qu’on dise des touchantes relations qui existent dans les campagnes entre curés et paysans, rien n’est si rare, du moins depuis la révolution, que de voir les uns et les autres se rendre justice et se témoigner de l’indulgence. Le paysan exige du curé trop de perfection chrétienne : le curé ne