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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/753

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être jamais lu tant de belles choses, mais j’aurais aimé et accepté la vie.

Nous fîmes beaucoup de musique ensemble, nous apprenant l’une à l’autre ce que nous savions un peu, moi lire, elle dire. Sa voix, un peu voilée, était d’une souplesse extrême et sa prononciation facile et agréable. Quand je me mettais avec elle au piano, j’oubliais tout.

À cette époque se place une circonstance qui m’impressionne beaucoup, non qu’elle soit bien importante, mais parce qu’elle me mettait aux prises, dès mon entrée dans la vie, avec certaines probabilités entrevues d’avance. Deschartres fut appelé à venir rendre à une assemblée de famille compte de son administration. Cela se passait chez ma tante. Mon oncle, qui faisait carrément les choses et qui était le conseil de ma mère, trouvait une lacune dans le paiement des fermes, une lacune de trois ans, par conséquent dix-huit mille francs à Deschartres. On avait appelé, je ne sais plus pourquoi, un avoué à cette conférence.

En effet il y avait trois ans que Deschartres n’avait payé. J’ignore si, par tolérance ou par crainte de le laisser ruiné, ma grand’mère lui avait donné quittance d’une partie, mais ces quittances ne se trouvèrent point. Quant à moi, je n’avais rien touché de lui et ne lui avais, par conséquent, donné aucune décharge.

Le pauvre grand homme avait, comme je l’ai dit, acheté un petit domaine dans les landes,