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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/791

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résultats de sa douleur. La mort de mon père avait été pour moi une catastrophe que mon jeune âge m’avait empêchée de comprendre, mais dont je devais subir et sentir les conséquences pendant toute ma jeunesse.

Je les comprenais enfin, mais cela ne me donnait pas encore le courage nécessaire pour les accepter. Il faut avoir connu les passions de la femme et les tendresses de la mère pour entrer dans la tolérance complète dont j’aurais eu besoin. J’avais l’orgueil de ma candeur, de mon inexpérience, de ma facile égalité d’âme. Ma mère avait raison de me dire souvent : « Quand tu auras souffert comme moi, tu ne seras plus sainte Tranquille ! »

J’avais réussi à me contenir, c’était tout ; mais j’avais eu plusieurs accès de colère muette, qui m’avaient fait un mal affreux, et après lesquels je m’étais sentie reprise de ma maladie de suicide. Toujours ce mal étrange changeait de forme dans mon imagination. Cette fois j’ai éprouvé le désir de mourir d’inanition, et j’avais failli le satisfaire malgré moi, car il me fallait pour manger un tel effort de volonté, que mon estomac repoussait les alimens, mon gosier se serrait, rien ne passait, et je ne pouvais pas me défendre d’une joie secrète en me disant que cette mort par la faim allait arriver sans que j’en fusse complice.

J’étais donc très malade quand