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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/801

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que je montais était à lui. C’était un andalou noir appelé Figaro, qui avait vingt-cinq ans, mais qui avait encore la souplesse, l’ardeur et la solidité d’un jeune cheval. Quelquefois son maître me le refusait, quand je l’avais mis de mauvaise humeur. Figaro se trouvait tout à coup boiteux. Mon père James allait me le chercher pendant que M. Stanislas avait le dos tourné. Nous partions au grand galop, et, au bout de deux heures, nous revenions lui dire que Figaro allait beaucoup mieux, l’air lui ayant fait du bien. Il s’en vengeait, au dire de James, par une bonne note bien méchante dans son journal ; car il faisait un journal jour par jour, heure par heure, de tout ce qui se disait et se faisait autour de lui, et il avait ainsi, disait-on, vingt cinq ans de sa vie consignés, jusqu’aux plus insignifians détails, dans une montagne de cahiers pour lesquels il lui fallait une voiture de transport dans ses déplacemens et une chambre particulière dans ses établissemens. Je ne crois pas qu’il y ait eu d’homme plus chargé de ses souvenirs et plus embarrassé de son passé.

Une autre manie consistait à ne rien laisser perdre de ce qui traînait. Il ramassait, dans tous les coins de la maison et du jardin, les objets oubliés ou abandonnés, une bêche cassée, un mouchoir de poche, un vieux soulier, un vieux chenet, une paire de ciseaux. L’appartement qu’il occupait au Plessis était un musée