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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/805

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pour son caractère. Il ne me fit pas la cour, ce qui eût troublé notre sans-gêne, et n’y songea même pas. Il se faisait entre nous une camaraderie tranquille, et il disait à Mme Angèle, qui avait depuis longtemps l’habitude de l’appeler son gendre : « Votre fille est un bon garçon ; » tandis que je disais de mon côté : « Votre gendre est un bon enfant. »

Je ne sais qui poussa à continuer tout haut la plaisanterie. Le père Stanislas, pressé d’y entendre malice, me criait dans le jardin quand on y jouait aux barres : « Courez donc après votre mari ! » Casimir, emporté par le jeu, criait de son côté : « Délivrez donc ma femme ! » Nous en vînmes à nous traiter de mari et de femme avec aussi peu d’embarras et de passion, que le petit Norbert et la petite Justine eussent pu en avoir.

Un jour, le père Stanislas m’ayant dit à ce propos je ne sais quelle méchanceté dans le parc, je passai mon bras sous le sien, et demandai à ce vieux ours pourquoi il voulait donner une tournure amère aux choses les plus insignifiantes.

« Parce que vous êtes folle de vous imaginer, répondit-il, que vous allez épouser ce garçon-là. Il aura soixante ou quatre-vingt mille livres de rente, et certainement il ne veut point de vous pour femme.

— Je vous donne ma parole d’honneur, lui dis-je, que je n’ai pas songé un seul instant à l’avoir pour mari, et puisqu’une plaisan