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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/81

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Il me semble que la plus grande preuve d’attachement qu’on puisse revendiquer, c’est d’avoir occupé les dernières pensées d’un mourant. Peut-être aussi y a-t-il là quelque chose de prophétique qui doit inspirer de la confiance ou de l’effroi. Lorsque la supérieure de mon couvent mourut, de soixante pensionnaires qui l’intéressaient toutes à peu près également, elle ne songea qu’à moi, à qui pourtant elle n’avait jamais témoigné une sollicitude particulière. « Pauvre Dupin, dit-elle à plusieurs reprises dans son agonie, je la plains bien de perdre sa grand’mère. » Elle rêvait que c’était ma grand’mère qui était malade et mourante à sa place. Cela me laissa une grande inquiétude et une sorte d’appréhension superstitieuse de quelque malheur imminent.

Ce fut vers l’âge de sept ans que je commençai à subir le préceptorat de Deschartres. Je fus assez longtemps sans avoir à m’en plaindre, car, autant il était rude et brutal avec Hippolyte, autant il fut calme et patient avec moi dans les premières années. C’est pour cela que je fis de rapides progrès avec lui, car il démontrait fort clairement et brièvement quand il était de sang-froid ; mais dès qu’il s’animait, il devenait diffus, embarrassé dans ses démonstrations, et la colère le faisant bégayer, le rendait tout à fait inintelligible. Il maltraitait et rudoyait horriblement le pauvre Hippolyte, qui pourtant avait de la facilité