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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/89

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n’ai pas été habituée à raisonner mes sentimens, je vais comme je me sens poussée, et tout ce que mon cœur me conseille, je le fais sans en demander la raison à mon esprit. »

On voit par là, et par l’éducation qui m’était donnée, ou plutôt par l’absence d’éducation religieuse raisonnée, que ma grand’mère n’était pas du tout catholique. Ce n’était pas seulement les dévots qu’elle haïssait, comme faisait ma mère, c’était la dévotion, c’était le catholicisme qu’elle jugeait froidement et sans pitié. Elle n’était pas athée, il s’en faut beaucoup. Elle croyait à cette sorte de religion naturelle enseignée et peu définie par les philosophes du dix-huitième siècle. Elle se disait déiste, et repoussait avec un égal dédain tous les dogmes, toutes les formes de religion. Elle tenait, disait-elle, Jésus-Christ en grande estime, et, admirant l’Évangile comme une philosophie parfaite, elle plaignait la vérité d’avoir toujours été entourée d’une fabulation plus ou moins ridicule.

Je dirai plus tard ce que j’ai gardé ou perdu, adopté ou rejeté de ses jugemens. Mais, suivant pas à pas le développement de mon être, je dois dire que, dans mon enfance, mon instinct me poussait beaucoup plus vers la foi naïve et confiante de ma mère que vers l’examen critique et un peu glacé de ma bonne maman. Sans qu’elle s’en doutât, ma mère portait de la poésie dans son sentiment religieux, et il me fallait de la