Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il s’y employait avec une obstination qui n’était pas de la vengeance, car il eût été vite dégoûté d’une satisfaction que son élève lui faisait payer si cher. Il s’était imposé cette tâche en conscience ; mais il est bien vrai de dire qu’à l’occasion le ressentiment y trouvait son compte.

Quand j’allais prendre mes leçons auprès d’Hippolyte, accoudé sur sa table et jouant aux mouches quand on ne le regardait pas, Ursule était toujours là. Deschartres aimait cette petite fille pleine d’assurance qui lui tenait tête et lui répliquait fort à propos. Comme tous les hommes violens, Deschartres aimait parfois la résistance ouverte et devenait débonnaire, faible même avec ceux qui ne le craignaient pas. Le tort d’Hippolyte et son malheur était de ne lui jamais dire en face qu’il était injuste et cruel. S’il l’eût menacé une seule fois de se plaindre à ma grand’mère ou de quitter la maison, Deschartres eût certainement fait un retour sur lui-même ; mais l’enfant le craignait, le haïssait et ne se consolait que par la vengeance.

Il est certain qu’il y était ingénieux et qu’il avait un esprit diabolique pour observer et relever les ridicules. Souvent, au milieu de la leçon, Deschartres était appelé dans la maison ou dans la cour de la ferme par quelque détail de son exploitation. Ces absences étaient mises à profit pour se moquer de lui. Hippolyte prenait le flageolet d’ébène et singeait le profess