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que Molière et Racine avaient traduit littéralement des pièces quasi-entières d’Aristophane et des tragiques grecs. C’est que le siècle de nos vrais classiques avait été plus tolérant et plus naïf que le nôtre, et c’est pourquoi ce fut un grand siècle.

Byron prit donc la forme du Faust, à son insu sans doute, par instinct ou par réminiscence ; mais, quoiqu’il ait récusé la véritable source de son inspiration pour la reporter au Prométhée d’Eschyle (qui, disons-le en passant, lui a inspiré la plus faible partie de Manfred), il n’en est pas moins certain que la forme appartient tout entière à Goethe : la forme, et rien de plus. Mais pour faire comprendre la distinction que j’établirai plus tard entre ces poëmes, je dois remettre sous les yeux des lecteurs le juge ment de Goethe sur Manfred, et celui de Byron sur lui-même.

JUGEMENT DE GŒTHE
Tire du journal L’ART ET L’ANTIQUITÉ

La tragédie de Byron, Manfred, me paraît un phénomène merveilleux et m’a vivement touché. Ce poëte métaphysicien s’est approprié mon Faust, et il en a tiré une puissante nourriture pour son amour hypocondriaque. Il s’est servi pour ses propres passions des motifs qui poussaient le docteur, de telle façon qu’aucun d’eux ne paraît identique, et c’est précisément à cause de cette transformation que je ne puis assez admirer son génie. Le tout est si complétement renouvelé, que ce serait une tâche