Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/100

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— Je ne recevrai que la semaine prochaine, dit-elle, je ne suis pas encore reposée de mon voyage, et je veux, avant de laisser le monde envahir mes heures, mettre mon fils au courant de ce changement d’habitudes. Et puis, j’ai besoin de jouir un peu de lui. Savez-vous que huit jours de séparation sont bien longs, monsieur Laurent ?

— Oui, Madame, pour une mère, toute absence est trop longue, répondit Jacques Laurent, comme s’il eût voulu l’aider à lui ôter à lui-même toute velléité de présomption.

— Et puis, reprit-elle, il y avait six mois que mon fils et moi nous ne nous quittions pas d’un seul instant, et je m’en étais fait une douce habitude, que la vie de Paris va rompre forcément. Le monde est un affreux esclavage ; aussi j’aspire à quitter ce monde… mais il est vrai que mon fils aspirera un jour peut-être à s’y lancer, et que ma retraite serait alors en pure perte. Ah ! monsieur Laurent, vous ne connaissez pas le monde, vous ! vous ne dépendez pas de lui, vous êtes bien heureux !

— Je suis effectivement très-heureux, répondit Jacques Laurent du ton dont il aurait dit : Je suis parfaitement dégoûté de la vie.

Cette intonation lugubre frappa madame de T*** ;