Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/12

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quiconque n’a pas beaucoup d’argent. Je n’avais pas prévu cela, je n’avais pas voulu y croire, ou plutôt je ne pouvais pas y songer, alors que l’ardeur du travail, la soif des lumières et le besoin impérieux de nager dans les livres me poussaient vers toi, Paris ingrat, du fond de ma vallée champêtre ! À Paris, me disais-je, je serai à la source de toutes les connaissances ; au lieu d’aller emprunter péniblement un pauvre ouvrage à un ami érudit par hasard, ou à quelque bibliothèque de province, ouvrage qu’il faut rendre pour en avoir un autre, et qu’il faut copier aux trois quarts si l’on veut ensuite se reporter au texte, j’aurai le puits de la science toujours ouvert ; que dis-je, le fleuve de la connaissance toujours coulant à pleins bords et à flots pressés autour de moi ! Ici je suis comme l’alouette qui, au temps de la sécheresse, cherche une goutte de rosée sur la feuille du buisson, et ne l’y trouve point. Là-bas, je serai comme l’alcyon voguant en pleine mer. Et puis, chez nous, on ne pense pas, on ne cherche pas, on ne vit point par l’esprit. On est trop heureux quand on a seulement le nécessaire à la campagne ! On s’endort dans un tranquille bien-être, on jouit de la nature par tous les pores ; on ne songe pas au malheur d’autrui. Le paysan lui-même, le pauvre