Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/199

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— Et pourquoi donc, Alice, reprit Isidora avec une sorte d’anxiété, ne garderiez-vous pas ce trésor pour vous-même ? Oh ! pardonnez moi si mon langage est trop hardi ; mais qui doit connaître l’idéal de l’amour, si ce n’est une âme comme la vôtre ? qui doit mépriser les différences de rang et de fortune, si ce n’est vous.

— Il ne s’agit pas de moi, Julie, répondit Alice d’un ton de douceur sous lequel perçait une solennelle fierté ; si je souffrais, je vous consulterais à mon tour ; mais je ne souffre pas de mon repos, et l’heure d’aimer n’est apparemment pas venue pour moi, puisque je vous supplie d’aimer noblement le noble Jacques.

— Vous ne l’aimez pas, je le vois bien, Alice, car il n’est pas d’amour sans exclusivisme et sans un peu de jalousie. Et pourtant, voyez combien je vous préfère à toute la terre ! J’ai regret maintenant que vous n’ayez pas envie d’aimer Jacques, tant je serais heureuse de vous faire ce sacrifice.

— Qui ne vous coûterait pas beaucoup, hélas ! dans ce moment-ci, dit tristement Alice, puisque vous n’êtes pas sûre de l’aimer !

— Ah ! quand même je l’aimerais comme le premier jour où je le vis, comme je me figurais l’aimer