Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/201

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rien. Tu ne rediras à personne, pas même à moi… (et surtout à moi) les paroles qui pourront m’échapper… N’aie pas peur, ce ne sera peut-être rien ; mais enfin il faut tout prévoir ; arme-toi de courage et de dévouement : jure !

Laurette jura.

— Ce n’est pas tout. Jure-moi aussi que tu m’enfermeras si bien, que personne ne me soupçonnera malade d’autre chose que d’une migraine. Jure que tu n’appelleras pas le médecin tant que je serai dans le délire, si j’ai le délire. Jure que tu me laisseras mourir plutôt que de me laisser trahir un secret que j’ai sur le cœur et que Dieu seul doit connaître.

La simple fille jura malgré son épouvante. Pâle et consternée, elle déshabilla sa maîtresse qu’un frisson glacial venait de saisir et dont les dents contractées claquaient déjà avec un bruit sinistre.

Alice resta étendue sur son lit, sans mouvement, pendant vingt-quatre heures. Ses appréhensions ne se réalisèrent pas. Elle n’eut pas de délire. Les âmes habituées à se dompter et à se contenir portent le silence et le mystère jusque dans le tombeau. Alice fut plus en danger de mourir durant cette effroyable crise nerveuse que Laurette ne put le comprendre. Elle ne faisait pas entendre une plainte. Froide,