Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/205

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dora, mais qu’au contraire Isidora était la sienne dans le cœur de Jacques ; qu’elle n’avait pas causé l’infidélité, mais que l’infidélité avait été commise contre elle. Mais elle en jugea autrement, et elle s’était d’ailleurs trop engagée avec Julie pour ne pas prendre en horreur l’idée de lui disputer son amant. Elle frissonna comme quelqu’un qui se réveille au bord d’un abîme, et elle fit un immense effort de courage et de dignité pour s’éloigner à jamais du danger d’y tomber. Pourtant, chose étrange, mais que toute femme comprendra, à partir de cet instant ce courage lui parut plus facile.

Jacques avait ignoré, ainsi que tout le monde, la gravité du mal qu’elle qualifiait d’indisposition. Il fut effrayé de sa pâleur. Cependant, comme il n’y avait pas d’autre altération profonde dans ses traits, comme l’expression en était sereine, plus sereine même qu’à l’ordinaire, il ne soupçonna pas qu’elle eût été vingt-quatre heures aux prises avec la mort. Il osa à peine la questionner sur ses souffrances, et quoiqu’il eût résolu de lui reprocher, au nom de son fils et de ses amis, l’imprudence qu’elle avait commise en passant toute une nuit à se promener nu-tête dans le jardin, il ne put jamais avoir cette hardiesse. Le souvenir de cette promenade étrange le