Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
jean ziska.

tout aussi obscure, tout aussi incertaine. Mais mon sujet m’impose de me borner à la première, et je vous demande si vous en savez quelque chose ? Ne rougissez pas d’avouer que non. Vos professeurs n’en savent guère plus.

Et comment le sauraient-ils ? Figurez-vous, Madame, qu’il y a là toute une moitié de l’histoire intellectuelle et morale de l’humanité, que l’autre moitié du genre humain a fait disparaître, parce qu’elle la gênait et la menaçait. Il faut que j’essaie de vous faire bien comprendre de quoi il est question, et vous verrez ensuite que cette sainte mère l’hérésie nous a engendrés tout aussi légitimement, tout aussi puissamment que notre autre mère la sainte Église. L’une nous a baptisés, confessés et dirigés de siècle en siècle à la lumière du jour ; l’autre nous a travaillé le cœur, réchauffé l’esprit ; elle nous a tourmentés, inspirés, poussés en avant de siècle en siècle par ses voix mystérieuses, toujours étouffées et toujours éloquentes ; de profundis clamavi ad te, c’est le chant éternel, c’est le cri déchirant de l’hérésie plongée dans les cachots, ensevelie sous les bûchers, scellée vivante dans la tombe, comme elle l’est encore sous les ténébreux arcanes de l’histoire.

Femmes, quand je me rappelle que c’est pour vous que j’écris, je me sens le cœur plus à l’aise ; car je n’ai jamais douté que malgré vos vices, vos travers, votre insigne paresse, votre absurde coquetterie, votre frivolité puérile, il n’y eût en vous quelque chose de pur, d’enthousiaste, de candide, de grand et de généreux, que les hommes ont perdu ou n’ont point encore. Vous êtes de beaux enfants. Votre tête est faible, votre éducation misérable, votre prévoyance nulle, votre mémoire vide, vos facultés de raisonnement inertes. La faute n’en est point à vous ! Dieu a permis que dans l’oisiveté de votre