Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/294

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père et de m’associer à ses dons. Elle le tenta à mon insu, et ce fut en vain. Alors elle revint me trouver, et chaque année, depuis trois ans, vous l’avez vue passer quelques semaines au château de Bramante, quelques mois à Florence ou à Pise ; mais le reste de l’année s’écoulait au fond de la Calabre, dans une retraite sûre et charmante, où notre sort eût été digne d’envie si une jalousie sombre, une inquiétude vague et dévorante, un mal sans nom que je ne puis m’expliquer à moi-même, ne fût venu s’emparer de moi. Vous savez le reste, et vous voyez bien que, si je suis malheureux et coupable, la cupidité n’a aucune part à mes souffrances et à mes égarements.

LE PRÉCEPTEUR.

Je vous plains, noble Astolphe, et donnerais ma vie pour vous rendre ce bonheur que vous avez perdu ; mais il me semble que vous n’en prenez pas le chemin en voulant enchaîner le sort de Gabrielle au vôtre. Songez aux inconvénients de ce mariage, et combien sa solidité sera un lien fictif. Vous ne pourrez jamais l’invoquer à la face de la société sans trahir le sexe de Gabrielle, et, dans ce cas-là, Gabrielle pourra s’y soustraire ; car vous êtes proches parents, et, si le pape ne veut point vous accorder de dispenses, votre mariage sera annulé.

ASTOLPHE.

Il est vrai ; mais le prince Jules ne sera plus, et alors quel si grand inconvénient trouvez-vous à ce que Gabrielle proclame son sexe ?

LE PRÉCEPTEUR.

Elle n’y consentira pas volontiers ! Vous pourrez l’y contraindre, et peut-être, par grandeur d’âme, n’invoquera-t-elle pas l’annulation de ses engagements avec vous. Mais vous, jeune homme, vous qui aurez obtenu sa main par une sorte de transaction avec elle, sous pro-