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jean ziska.

lement dans son culte, et qui jusque-là avait cru et prié à sa guise dans la simplicité et la pureté de son cœur. Pendant deux siècles après Grégoire VII, il y avait eu en Bohême un culte latin officiel pour la montre, pour l’obédience extérieure, et un culte grec devenu national, un culte qu’on pourrait appeler sui generis, pour la vie des entrailles populaires. On disait les offices en langue bohème, et on communiait sous les deux espèces dans les campagnes, et secrètement dans les villes ; il y avait même plusieurs endroits où on l’avait toujours fait ostensiblement, grâce à des privilèges accordés et maintenus par les papes. Milicius fut persécuté et mourut dans les prisons, après avoir restauré l’ancien rite assez généralement. Mathias de Janaw était confesseur de Charles IV, qui l’aimait beaucoup et qui ne paraît pas avoir été bien décidé entre les principes hardis de son université et les menaces du saint-siège. On osa demander à cet empereur de travailler à la réformation de l’Église ; il eut peur, repoussa la tentation, éloigna Mathias, cessa de communier sous les deux espèces, et laissa l’inquisition sévir contre ses coreligionnaires. On n’administrait donc plus cette communion sur la fin de son règne, que dans les maisons particulières, « et à la fin, dans les endroits cachez ; mais ce n’étoit pas sans périls de la vie. » Quand on se saisissait des communiants, « on les dépouilloit, on les massacroit, on les noyoit ; de sorte qu’ils furent obligez de s’assembler à main armée, et bien escortez. Cela dura de part et d’autre jusqu’au temps de Jean Huss. »

On voit maintenant comment, en peu d’années, Jean Huss devint le prophète de la Bohême. Il prêcha ouvertement le mépris de la papauté, la liberté de la communion et des rites. À la suite d’une querelle de règlement, il avait fait chasser presque tous les gradués allemands de l’Université. L’inquisition réprimanda et fit brûler les