Page:Sand - Journal intime.pdf/113

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maître de lui-même dans la vie ordinaire et raisonnant à son point de vue avec beaucoup de supériorité, mais porté à l’exaltation par la nature même de ses croyances, par la violence de ses instincts un peu sauvages, le sentiment du malheur de sa patrie et cet élan prodigieux d’une âme poétique qui ne connaît pas d’entraves à ses forces et se précipite parfois à cette limite du fini et de l’infini» où commence l’extase. Jamais le drame terrible qui se passe alors dans l’âme du poète n’a été décrit par aucun d’eux avec la puissance et la vérité qui font de Konrad une œuvre capitale ; personne après l’avoir lu ne peut nier que Mickicwicz soit extatique.


7 janvier.

Heine a des mots diablement plaisants. Il disait ce soir en parlant d’Alfred de Musset : « C’est un jeune homme de beaucoup de passé. » Heine dit des choses très-mordantes et ses saillies emportent le morceau. On le croit foncièrement méchant, mais rien n’est plus faux ; son cœur est aussi bon que sa langue est mauvaise. Il est tendre, affectueux, dévoué, romanesque en amour, faible même, et capable de subir la domination Illimitée d’une femme, avec cela il est cynique, railleur, positif, matérialiste en paroles, à effrayer,