Page:Sand - Journal intime.pdf/136

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Comment les facultés d’un être mortel et souffrant pourraient-elles résister à l’effet désespérant de si fréquentes déceptions ? Quand la vie s’est flétrie et perdue k saisir l’ombre de tous les biens et k sentir la blessure de toutes les jouissances, quand on s’est usé k courir après un espoir qui cent fois VOUS a trompé impitoyablement et grossièrement, comment pourrait-on discerner au milieu de celle mer d’ingratitudes et de mensonges, un cœur ami, un appui fidèle ? Tous ceux qui passent vous semblent des traîtres et sa vertu n’a point une étoile au front qui la rende lumineuse au soin des ténèbres.

Quand on s’est fait à ce nouvel état de l’âme si orageux et si sombre, on devient peu à peu capable de discernement. On ne se laisse plus séduire parce qu’on ne craint plus de l’être, on arrive à un grand résultat de la sagesse, on s’abstient, on ne tente plus, on ne désire plus.

Ou du moins peut-être les désirs mieux réglés ou plus triés deviennent-ils plus réels et plus persévérants. Peut-être dans le seul fait d être %ans désirs y a-t-il plus de véritable joie que dans la réalisation de tous les désirs.

Pour vous qui luttez contre les orages toujours renaissants des passions mal éteintes ; vous qui, loin d’étouffer prudemment les dernières étincelles de vos désirs, les attisez avec une sollicitude puérile, que deviendrez-vous quand viendront les glaces