Page:Sand - Journal intime.pdf/31

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si c’est un crime involontaire, vous ne m’en avez pas moins punie comme les juges humains punissent l’assassinat prémédité, plus encore, car le parricide n’est tué qu’une fois, et moi, voilà dix semaines que je meurs jour par jour et à présent minute par minute. C’est une agonie trop longue. Vraiment toi, cruel enfant, pourquoi m’as-tu aimée, après m’avoir haïe ? Quel mystère s’accomplit donc en toi chaque semaine ?

Pourquoi ce crescendo de déplaisir, de dégoût, d’aversion, de fureur, de froide et méprisante raillerie, et puis, tout à coup, ces larmes, cette douceur, cet amour ineffable qui revient ? Tourment de ma vie ! Amour funeste ! Je donnerais tout ce que j’ai vécu, pour un seul jour de ton effusion ! Mais jamais, jamais ! C’est trop affreux ! Je ne peux pas croire cela. Je vais y aller. J’y vais — non — crier, hurler, mais il ne faut pas y aller.

Sainte-Beuve ne veut pas.

Enfin, c’est le retour de votre amour, à Venise, qui a fait mon désespoir et mon crime ? Pouvais-je parler ? Vous n’auriez plus voulu de mes soins, seriez-vous mort de rage en les subissant. Et qu’auriez-vous fait sans moi, pauvre colombe mourante ? Ah Dieu, je n’ai jamais pensé un instant à ce que vous auriez souffert à cause de cette maladie et à cause de moi, sans que ma poitrine se brisât en sanglots. Je vous trompais, et j’étais là entre ces deux hommes, l’un qui me disait :