Page:Sand - Journal intime.pdf/82

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sans vraie dignité, utile à soi seul tout au plus, inutile partout, nuisible aux autres, malheureux, si la vanité n’est pas satisfaite par un succès proportionné à ses appétits, méchant, despote, injuste, si elle l’est.


21 juin.

Il faut attribuer à ce débordement de vanité dont le système d’émulation et les mutations sociales ont infesté le siècle, la tristesse sombre dans laquelle tant de jeunes gens végètent accablés. Certains critiques nous signalent naïve¬ ment l’auteur de Werther et de Faust, celui de René, celui de Lara et de Manfred comme les désespérés empoisonneurs du siècle. Mais ceci est une mauvaise plaisanterie, comme celle qui attribue à Voltaire et à Rousseau notre grande révolution de France. Moi, homme de lettres, j’ai le droit de nier positivement ces miraculeux effets des productions littéraires. Il faut être imbécile de crédulité comme M. Walsch, ou bouffi de vanité comme nos littérateurs modernes, pour prendre ainsi un effet pour une cause, et pour s’émerveiller de la puissance de certains poètes sur leur siècle, tandis qu’il est simple que le siècle fasse sentir sa puissance sur leurs cerveaux poétiques, et les force, comme autrefois le Dieu, la