Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/300

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pour le retenir. Sténio s’était rassis, et le prêtre, craignant d’éveiller en lui l’affreuse pensée du suicide, n’osa pas le prier de quitter ce lieu.

— Je savais bien, reprit Sténio du même son de voix effrayant et lugubre, qu’il n’y avait rien de vrai dans les rêves de l’homme, et qu’une fois la vérité dévoilée, il n’y avait plus pour lui que la patience de l’ennui, ou la résolution du désespoir. Et quand j’ai dit que l’homme pouvait se complaire dans sa force individuelle, j’ai menti aux autres et à moi ; car celui qui est arrivé à la possession d’une force inutile, à l’exercice d’une puissance sans valeur et sans but, n’est qu’un fou vigoureux dont il faut se méfier.

Dans les rêves de ma jeunesse, dans les extases de ma plus fraîche poésie, un fantôme d’amour planait sans cesse et me montrait le ciel. Lélia, mon illusion, ma poésie, mon Élysée, mon idéal, qu’êtes-vous devenue ? Où a fui votre spectre léger ? Dans quel