Page:Sand - La Daniella 1.djvu/220

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Cette conversation m’ennuya considérablement, car elle m’empêcha de donner aux objets extérieurs l’attention que j’aime à leur donner quand je me mets en route dans ce but. Décidément, il vaut mieux être seul que dans un tête-à-tête où le cœur n’a rien à voir. Je n’avais pas mis dans les prévisions de ma journée, en m’éveillant, que je passerais cette journée de loisir à parler de miss Medora. Pouah, la discussion ! pouah, l’esprit ! pouah, les préoccupations d’avenir et de fortune ! Je ne suis bon à rien de tout cela, et il me tardait de me retrouver seul ; je me disais involontairement tout bas :

— J’ai assez vu Brumières aujourd’hui.




XXI


4 avril.

Comme nous rentrions à Frascati, nous nous trouvâmes, sur la place extérieure, face à face avec la Daniella, belle comme un astre. Elle avait une robe de soie aventurine, un tablier tourterelle, un châle de crêpe de Chine écarlate sur la tête, du corail en collier et en pendants d’oreilles ; enfin tout attifée de la défroque de lady Harriet, mélangée et rajustée à la mode de Frascati, elle avait l’air d’une perdrix rouge.

Je ne sais trop pourquoi je fis semblant de ne pas la voir, peut-être par un sentiment de jalousie que je n’eus pas le temps de raisonner. J’espérais peut-être que Brumières ne la verrait pas ; mais il la vit, jeta la bride sur le cou de son cheval, et, courant à elle, il lui fit fête comme à une amie favorable à sa cause. Je vis alors qu’il ne savait rien du renvoi de la soubrette, et que, dans la famille B***, on disait