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iii
préface

vaises actions que les révolutions font remonter à la surface.

— Un peu de gêne et de surcroît de travail peut être fort salutaire aux gens de notre condition, lui disais-je ; mais un surcroît de misère, c’est la mort du pauvre. Et puis, mettons de côté la souffrance matérielle : il y a dans l’humanité, à l’heure qu’il est, une souffrance morale qui ne peut rien amener de bon. Le méchant souffre, et la souffrance du méchant, c’est la rage ; le juste souffre, et la souffrance du juste, c’est le martyre auquel peu d’hommes survivent.

— Tu perds donc la foi ? me demanda mon ami scandalisé.

— C’est le moment de ma vie, au contraire, lui dis-je, où j’ai eu le plus de foi à l’avenir des idées, à la bonté de Dieu, aux destinées de la révolution. Mais la foi compte par siècles, et l’idée embrasse le temps et l’espace, sans tenir compte des jours et des heures ; et nous, pauvres humains, nous comptons les instants de notre rapide passage, et nous en savourons la joie ou l’amertume sans pouvoir nous détendre de vivre par le cœur et par la pensée avec nos con-