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la petite fadette

naissons. Il les blâme toutes de ce qu’une d’entre elles (et malheureusement ce n’est pas la meilleure) lui a enlevé, comme il prétend, le cœur de son besson.

— Eh bien, dit la Baigneuse, qui avait un grand jugement sur toutes les maladies du corps et de l’esprit, votre fils Sylvinet, le jour où il aimera une femme, l’aimera encore plus follement qu’il n’aime son frère. Je vous prédis cela. Il a une surabondance d’amitié dans le cœur, et, pour l’avoir toujours portée sur son besson, il a oublié quasiment son sexe, et, en cela, il a manqué à la loi du bon Dieu, qui veut que l’homme chérisse une femme plus que père et mère, plus que frères et sœurs. Consolez-vous, pourtant, il n’est pas possible que la nature ne lui parle pas bientôt, quelque retardé qu’il soit dans cette idée-là ; et la femme qu’il aimera, qu’elle soit pauvre, ou laide, ou méchante, n’hésitez point à la lui donner en mariage ; car, selon toute apparence, il n’en aimera pas deux en sa vie. Son cœur a trop d’attache pour cela, et, s’il faut un grand miracle de nature pour qu’il se sépare un peu de son besson, il en faudrait un encore plus