Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/158

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un instant, cela est certain. Tu vois, ami, je ne te cache rien. Je lui ai offert d’aller te voir pour t’amener en secret à notre hôtel. J’avais du dépit, elle l’a vu, et elle a refusé, parce qu’elle est bonne pour moi comme un ange, comme une mère ; mais elle souffrait, et quand, la nuit suivante, nous avons passé à pied devant ta porte pour aller chercher notre voiture, que nous ne voulions pas faire venir devant l’hôtel, nous avons vu ton voiturin, nous avons reconnu Volabù. Nous l’avons évité, nous ne voulions pas être vus ; mais Cécilia a eu une inspiration de femme. Elle a dit à Benjamin (que cet homme n’avait jamais vu) de s’approcher de lui, et de lui demander si son voiturin était disponible pour Milan.— Je vais à Milan, en effet, répondit-il, mais je ne puis prendre personne.— Qui donc conduisez-vous ? dit l’enfant ; ne pourrais-je m’arranger avec votre voyageur pour aller avec lui ? — Non, c’est un peintre. Il voyage seul.— Comment s’appelle-t-il ? peut-être que je le connais ? — Ce voiturin a dit ton nom : c’est tout ce que nous voulions savoir. On nous avait dit que la duchesse était retournée à Milan. Cécilia pâlit, sous prétexte qu’elle avait froid ; puis, comme j’en faisais l’observation à demi-voix, elle se mit à sourire avec cet air de souveraine mansuétude qui lui est propre. Elle approcha de ta fenêtre en me disant : — Tu vas voir que je vais lui adresser un adieu bien amical et par conséquent bien désintéressé. C’est alors qu’elle chanta ce maudit Vedrai carino qui t’a arraché aux griffes de Satan. Allons, il y a dans tout cela une fatalité ! Je crois qu’elle t’aime, bien que ce soit fort difficile à constater chez une personne toujours maîtresse d’elle-même, et si habituée à l’abnégation qu’on peut à peine deviner si elle souffre en se sacrifiant. A l’heure qu’il est, elle ne sait plus rien de toi, et je confesse que je n’ai pas eu le courage de lui dire que tu as renoncé à