Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/203

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à ce qu’elle appelait le plus pressé, remettant à des jours meilleurs l’acquisition de ses livres.

Le curé de Cuzion lui avait prêté un Abrégé de quelques Pères de l’Église, et la Vie des Saints, dont elle avait fait longtemps ses délices ; car, lorsqu’on n’a pas de quoi choisir, on force son esprit à se complaire aux choses sérieuses, en dépit de la jeunesse qui vous pousserait à des occupations moins austères.

Ces nécessités sont parfois salutaires aux bons esprits, et lorsque Gilberte se plaignait naïvement à Émile de son ignorance, il s’étonna au contraire de la voir si éclairée sur certaines choses de fonds qu’il avait jugées sur la foi d’autrui sans les approfondir.

L’amour et l’enthousiasme aidant, il ne tarda pas à trouver Gilberte accomplie, et à la proclamer, en lui-même, la plus intelligente et la plus parfaite des créatures humaines ; et cela était relativement vrai.

Le plus grand et le meilleur des êtres, c’est celui qui sympathise le plus avec nous, qui nous comprend le mieux, qui sait le mieux développer et alimenter ce que nous avons de meilleur dans l’âme ; enfin, c’est celui qui nous ferait l’existence la plus douce et la plus complète, s’il nous était donné de fondre entièrement la sienne avec la nôtre.

« Ah ! j’ai bien fait de conserver jusqu’ici mon cœur vierge et ma vie pure, se disait Émile, et je vous remercie, mon Dieu, de m’y avoir aidé ! car voici bien véritablement celle qui m’était destinée, et sans laquelle je n’aurais fait que végéter et souffrir. »

Tout en causant d’une manière générale, Gilberte laissa percer son regret d’être privée de livres, et Émile devina bien vite que ce regret était plus profond qu’on ne voulait le faire connaître à Janille.

Il pensa avec douleur que, hormis des traités de com-