Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/249

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« Oh ! oui, comme c’est beau, en effet !… Oh ! vous avez raison… C’est vrai, comme c’est vrai, ce que vous vous voyez et ce que vous dites là ! »

Il y a une délicieuse stupidité dans l’âme des amants ; tout signifie : Je vous aime ! et l’on chercherait vainement un autre sens à la monotonie de leur adhésion sur tous les points.

Cependant, quoique plus inexpérimentée encore qu’Émile, Gilberte, en qualité de femme, se rendait un peu plus compte de ce qu’elle éprouvait elle-même, tandis qu’Émile aimait comme on respire, sans songer qu’il y a là, à chaque minute de notre existence, un problème ou un prodige.

Gilberte s’interrogeait davantage, et se sentait envahir avec plus d’étonnement. Elle fit bientôt un effort pour rompre cette manière de causer, où, à force de ne se rien dire, on se disait beaucoup trop.

Elle parla de M. de Boisguilbault, et force fut à Émile de dire qu’il n’espérait plus rien. Tout son chagrin se réveilla à cet aveu, et il se plaignit amèrement de la destinée qui lui enlevait la seule occasion d’être utile à M. de Châteaubrun et de complaire à Gilberte.

« Eh bien, consolez-vous, dit la jeune fille avec candeur, je ne vous en aurai pas moins d’obligations : car, grâce à votre zèle et à votre courage, j’ai du moins l’esprit en repos sur le point principal. Sachez ce qui me tourmentait le plus.

« À voir l’obstination hautaine du marquis et l’humilité généreuse de mon père, il me venait à l’esprit un doute insupportable. Je me figurais que mon bon père pouvait avoir eu, sans le vouloir assurément, quelque tort grave, et j’avais voulu en surprendre le secret pour me charger de le réparer. Oh ! je l’aurais fait au prix de ma vie !… Mais maintenant…