Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec plus de facilité que Gilberte et qu’Émile lui-même. Ce dernier n’osait plus faire de commentaires et de recherches ; car tout ce qui tenait à Gilberte lui était sacré, et il suffisait qu’Antoine lui eût enjoint de ne plus penser à cette affaire pour qu’il s’efforçât de l’éloigner de son esprit. Mais il y avait bien d’autres sujets de trouble dans son cœur, et l’amour y jetait de telles racines, qu’il tombait dans des distractions pires que celles de M. de Châteaubrun.

Quand il se retrouva seul sur le chemin de Gargilesse, à l’endroit où celui de Boisguilbault vient bifurquer, son cheval, qui aimait et connaissait également l’un et l’autre gîtes, prit la direction de Boisguilbault.

Émile ne s’en aperçut pas d’abord, et quand il s’en aperçut, il se dit que la Providence le voulait ainsi ; qu’il avait laissé seul, pendant bien des jours, le triste vieillard qu’il avait promis d’aimer comme un père ; et que, dût-il être mal reçu, il fallait, sans différer, aller obtenir son pardon.

On n’avait pas encore fermé définitivement les grilles du parc lorsqu’il arriva au bas de la colline. Il y entra et se dirigea vers le chalet, comptant que s’il n’y trouvait pas le marquis, il l’y verrait arriver dès que la nuit serait close.

Ayant attaché Corbeau à la galerie extérieure du rez-de-chaussée, il frappa doucement à la porte de la chaumière suisse, et, comme un peu de vent venait de s’élever avec le coucher du soleil, il lui sembla entendre quelque bruit dans l’intérieur et la voix faible du marquis, qui lui disait d’entrer. Mais c’était une pure illusion, car lorsqu’il eut poussé la porte, il s’aperçut que l’intérieur était vide.

Cependant M. de Boisguilbault pouvait être au fond de l’habitation, dans la chambre invisible où il avait cou-