Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/88

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aurais vu comme tout cela était beau, propre et bien tenu ! Je me faisais une fête de te servir le café dans un joli bosquet de jasmins qui était là, au bord de la terrasse ; hélas ! il n’y en a plus trace maintenant : la terre même a été emportée, et l’eau nous a donné en échange cette vilaine vase noire et des cailloux.

— Consolez-vous, chère mère, répondait Émile, nous vous aurons bientôt rendu tout cela ; si les ouvriers de mon père n’ont pas le temps, je me ferai votre jardinier. Vous me direz comment c’était arrangé ; d’ailleurs, je l’ai vu : ç’a été comme un beau rêve. Du haut de la colline, en face d’ici, j’ai pu admirer vos jardins enchantés, vos belles fleurs qu’un instant a ravagées et détruites sous mes yeux ; mais ces pertes sont réparables : ne vous affligez pas, d’autres sont plus à plaindre !

— Et quand je pense que tu as failli être emporté toi-même par cette odieuse rivière que je déteste à présent ! Ô mon enfant ! je déplore le jour où ton père a eu la fantaisie de se fixer ici. Déjà, dans le courant de l’hiver, nous avions été inondés plus d’une fois, et il avait été forcé de recommencer tous ses travaux. Cela l’affecte et le mine plus qu’il ne veut l’avouer. Son caractère s’aigrit, et sa santé finira par en souffrir. Et tout cela à cause de cette rivière !

— Mais vous, ma mère, croyez-vous que cette habitation toute neuve, cet air humide, ne soient pas pernicieux pour votre santé ?

— Je n’en sais rien, mon enfant. Je me consolais de tout avec mes fleurs, dans l’espérance de te revoir. Mais te voilà, et tu arrives dans un cloaque, dans une grenouillère, lorsque je me flattais de te voir fumer ton cigare et lire en marchant sur des tapis de fleurs et de gazon ! Oh ! la maudite rivière ! »

Quand le soir vint, Émile s’aperçut que la journée lui