Page:Sand - Le Secrétaire intime — Mattéa — La Vallée noire, 1884.djvu/297

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à ses propriétés essentielles ? La terre, et le bras et le cerveau de l’homme qui la cultive ne réagissent-ils pas continuellement l’un sur l’autre ? À intensité égale de soleil, le plus ou moins de vertu du sol fait un air plus ou moins souple et sain, plus ou moins pur et vivifiant. L’air est admirablement doux et respirable dans la Vallée-Noire. Point de grandes rivières, conducteurs électriques des ouragans et des maladies ; point d’eaux stagnantes, de marécages conservateurs perfides des germes pestilentiels. Partout des mouvements de terrain dont la science agricole pourrait tirer sans doute un meilleur parti, mais qui du moins facilitent naturellement un rapide écoulement aux inondations ; des terres qui ne sèchent pas vite, mais qui ne s’imbibent pas vite non plus, et qui ne communiquent pas de brusques transitions à l’atmosphère. L’homme qui naît dans cet air tranquille ne connaît ni l’excitation fébrile des pays des montagnes, ni l’accablement des régions brûlantes. Il se fait un tempérament pacifique et soutenu. Ses instincts manquent d’élan ; mais s’il ignore les mouvements impétueux de l’imagination, il connaît les douceurs de la méditation, et la puissance de l’entêtement, cette force du paysan, qui raisonne à sa manière, et s’arrange, en dépit du progrès, pour l’espèce de bonheur et de dignité qu’il conçoit. Les gens civilisés parlent bien à leur aise de bouleverser tout cela, oubliant qu’il y a bien des choses à respecter dans ces antiques habitudes de sobriété morale et physique, et que le paysan ne fera jamais bien que ce qu’il fera de bonne grâce.

Si le sol agit lentement et mystérieusement sur le tempérament et le caractère de l’homme, l’homme, à son tour, agit ostensiblement sur la physionomie du sol. Son action paraît plus prompte, il faut moins de temps pour ébrancher un arbre, ou creuser un fossé, que pour faire