Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/148

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domestique, c’était pour éprouver ton amitié et ton bon cœur.

— L’épreuve était douce, dit Espérance, et je ne demande qu’à la continuer.

— C’est bien simple, répondit Roger, nous serons maîtres et domestiques tous deux ; nous nous servirons l’un l’autre.

— Si c’est votre fantaisie pour ce soir, je veux bien, dit Espérance plus ému qu’il ne voulait le laisser paraître ; je ne demande pas mieux ; mais il ne faudrait pas jouer à ce jeu-là devant témoins.

— Pourquoi ?

— Parce qu’on dirait que vous n’êtes pas assez fier et moi pas assez respectueux.

— Ah ! tu as ces préjugés-là, toi que je croyais philosophe ?

— Je n’ai pas de préjugés, mais je subis la loi que nous font les préjugés des autres.

— Fort bien ; mais, si, en dehors de l’égalité d’éducation et d’honneur, la seule qui soit vraie, il y avait encore entre nous l’égalité de naissance et de fortune ?

— C’est possible, répondit Espérance, puisque je suis un enfant du mystère ; mais vous n’en savez rien, ni moi non plus. Vous me supposez gratuitement issu d’une grande famille, ce n’est pas probable : ma mère est une paysanne, et je ne sais rien de mon père.