Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/239

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il fut trompé par cette apparence de rangement particulier aux meubles inoccupés. Roger dormait si profondément qu’on n’entendait même pas sa respiration.

Je calculais si, au cas probable où Salcède sortirait pour aller à la rencontre de la comtesse, j’aurais le temps de me retirer par le passage secret. Et puis une idée bonne ou mauvaise s’empara de moi. Salcède voulait voir la comtesse avant Roger ; lui parlerait-il en présence de Gaston, ou voulait-il être seul avec elle ? Dans ce dernier cas, je pouvais saisir enfin la preuve infaillible, décisive, de la nature de leurs relations. Ils ne s’entretiendraient pas de l’avenir des jeunes gens sans que l’énonciation de la vérité se fît jour, surtout s’il y avait discussion, et je saurais enfin, moi, si j’avais le rôle honteux ou le rôle triomphant dans l’histoire de la famille. Roger aussi était exposé à entendre une révélation terrible ;… mais je connaissais son sommeil. Il ne s’éveillerait que si je m’en mêlais ; mon devoir était de tout surveiller, afin d’interrompre l’entretien dangereux par une diversion opportune.

Au bout de cinq minutes, Gaston revint.

Madame était déjà levée, dit-il à Salcède. Charlotte, que j’ai avertie de votre part, lui a parlé et m’a répondu de la sienne qu’elle serait ici à l’instant. Dites-lui tout, j’aurai plus de courage pour lui parler ensuite moi-même.