Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/27

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il l’obsède de caresses, de larmes, il cherche à surprendre ses sens par un mélange d’audace et d’humilité ? Ah ! les autres hommes ne savent pas ce que c’est que d’être adorée, et persécutée, et implorée des heures entières !… Cet Italien, vous savez, mon Dieu, si son premier mot ne m’a pas arraché un cri d’horreur ! Et pourquoi ai-je cédé ? Pourquoi, pourquoi ! Le sais-je[1] ? »

« Voilà dix semaines que je meurs jour par jour et, à présent, minute par minute… » Aussi, quand l’ancien amour a repris le dessus, quelle hâte à congédier ce tiers importun, à se laver de son mensonge involontaire et de sa chute, quel cri d’égoïsme amoureux que celui-ci : « Je me souciais bien de l’estime de l’autre quand il est parti ! Lui ai-je fait un mensonge, à lui ? Me suis-je donné la peine de feindre un instant pour ne pas avoir en lui un ennemi ? Ne m’a-t-il pas fait tout le mal qu’il pouvait me faire[2] ? »

Nous voilà bien loin du rôle que d’aucuns prêtent à l’heureux Pagello. Et nous voilà fort près de cette vérité, qu’il n’y eut entre les deux amants ni trahison maté-

  1. Mariéton, p. 123.
  2. Journal, fragment inédit.