Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a sperare, poco a disperare… » La nuit dernière a été horrible. Six heures d’une frénésie telle, que, malgré deux hommes robustes, il courait nu dans la chambre. Des cris, des chants, des hurlements, des convulsions, ô mon Dieu, mon Dieu, quel spectacle ! Il a failli m’étrangler en m’embrassant. Les deux hommes ne pouvaient lui faire lâcher le collet de ma robe. Les médecins annoncent un accès du même genre pour la nuit prochaine, et d’autres peut-être, car il n’y aura pas à se flatter avant six jours encore. Aura-t-il la force de supporter de si horribles crises ? Suis-je assez malheureuse, et vous, qui connaissez ma vie, en connaissiez-vous beaucoup de pires[1] ? Quant à Musset, ce qu’il a vu, à travers son délire, ce n’est point la scène odieuse que Paul de Musset a décrite, vingt ans plus tard, c’est l’irréprochable sœur de charité : « Je le verrai longtemps, mon George, ce visage pâli par les veilles qui s’est penché dix-huit nuits sur mon chevet ! Je te verrai longtemps dans cette chambre funeste, où tant de larmes ont coulé. Pauvre George ! pauvre chère enfant ! »

La reconnaissance est si vive chez lui

  1. Lettre du 8 févr. (Venise). Quelques lignes ont été citées par Arvide Barine.