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LETTRES À ALFRED DE MUSSET

voir comment tu aurais passé cette première nuit. J’avais appris seulement que tu avais traversé la ville dans la matinée. J’avais donc, pour toute nouvelle de toi, les deux lignes que tu m’as écrites de Padoue, et je ne savais que penser. Pagello me disait que certainement, au cas où tu serais malade, Antonio nous écrirait ; mais je sais que les lettres se perdent ou restent six semaines en route dans ce pays-ci. J’étais au désespoir. Enfin j’ai reçu ta lettre de Genève. Oh ! que je t’en remercie, mon enfant ! qu’elle est bonne et qu’elle m’a fait de bien ! Est-ce bien vrai que tu n’es pas malade, que tu es fort, que tu ne souffres pas ? Je crains toujours que, par affection, tu ne m’exagères cette bonne santé. Oh ! que Dieu te la donne et te la conserve, mon cher petit ! cela est aussi nécessaire à ma vie, désormais, que ton amitié. Sans l’une et sans l’autre, je ne puis pas espérer un seul beau jour pour moi. Ne crois pas, ne crois pas, Alfred, que je puisse être heureuse avec la pensée d’avoir perdu ton cœur. Que j’aie été ta maîtresse ou ta mère, peu importe ; que je t’aie inspiré de l’amour ou de l’amitié, que j’aie été heureuse ou malheureuse avec toi, tout cela ne change