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Page:Sand - Lettres d un voyageur.djvu/229

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cachent sous l’extérieur le plus rebutant. Un œil vulgaire n’aperçoit que ruine et désolation ; il ne voit pas que l’éducation et les circonstances ont mis obstacle à chaque effort qui tendait à sa perfection. Le physionomiste observe, examine et suspend son jugement. Il entend mille voix qui lui crient : — Voyez quel homme ! — Mais, au milieu du tumulte, il distingue une autre voix, une voix divine, qui lui crie aussi : — Vois quel homme ! — Il trouve des sujets d’adoration là où d’autres blasphèment, parce qu’ils ne peuvent ni ne veulent comprendre que cette même figure, dont ils détournent la vue, offre des traces du pouvoir, de la sagesse et de la bonté du Créateur. — Il voit le scélérat sur le visage du mendiant qui se présente à sa porte, et il ne le rebute pas ; il lui parle avec cordialité. Il jette un regard profond dans son âme, et qu’y voit-il ? — Hélas ! vices, désordre, dégradation totale. — Mais est-ce là tout ce qu’il y découvre ? quoi ! rien de bon ? — Supposé que cela soit, encore il y verra l’argile qui ne doit et ne peut dire au potier : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ! — Il voit, il adore en silence, et, détournant son visage, il dérobe une larme dont le langage est énergique, non pour les hommes, mais pour celui qui les a faits. — Sagesse sans bonté est folie. Je ne voudrais point avoir ton œil, ô Jésus, si, en même temps, tu ne me donnais ton cœur. Que la justice règle mes jugements et la bonté de mes actions !

« Une juste idée de la liberté de l’homme et des bornes qui la restreignent est bien propre à nous rendre humbles et courageux, modestes et actifs. Jusqu’ici et point au delà, mais jusqu’ici ! c’est la voix de Dieu et de la vérité qui vous adresse ce langage ; elle dit à tous ceux qui ont des oreilles pour entendre : Sois ce que tu es, et deviens ce que tu peux. »

Ailleurs, à propos des monstres dans l’ordre physique, le même sentiment de tendresse humanitaire et de miséricorde religieuse reparaît comme partout avec éloquence.