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Page:Sand - Lettres d un voyageur.djvu/253

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vice rampe et glapit autour de moi ; plus je me sens le besoin d’étendre mes ailes et de frapper ces vils animaux du bec de l’aigle. Que veux-tu dire avec tes ruisseaux paisibles et tes grottes ignorées ? Penses-tu que la vertu soit comme ces poisons qui deviennent salutaires en se divisant ? crois-tu que douze hommes de bien, voués à l’obscurité et renfermés dans les voies étroites de la vie intérieure, soient plus utiles qu’un seul homme pieux qui voyage et qui exhorte ? Le temps des patriarches n’est plus. Que les apôtres se lèvent ; et qu’ils se fassent voir et entendre !

— Patience ! patience ! lui dis-je ; les apôtres sont en route ; ils vont par divers chemins et par petites troupes. Ils s’appellent de différents noms et se vêtissent de diverses couleurs. Les plus fervents peut-être, parce qu’ils ont été les plus éprouvés, entonnent maintenant sur les grèves de la mer Rouge, comme dans les noires cavernes de la montagne du Dauphiné, leurs simples et sublimes cantiques : Dieu ! vos enfants vous aiment, Ils seront forts et patients !

Qu’importent leurs divisions, leurs erreurs, leurs revers et leurs fautes ? Ils répondent avec calme : « Nous périrons, nous sommes des hommes ; mais les idées ne meurent pas, et celle que nous avons jetée dans le monde nous survivra. Le monde nous traite de fous, l’ironie nous combat, et les huées du peuple nous poursuivent ; les pierres et les injures pleuvent sur nous, les plus hideuses calomnies ont attristé nos cœurs : la moitié de nos frères a fui épouvantée ; la misère nous ronge. Chaque jour notre faible troupeau diminue, et peut-être pas un de nous ne restera-t-il debout pour saluer de loin les horizons de la terre promise. Mais nous avons semé dans l’univers intelligent une parole de vérité qui germera. Nous mourrons calmes et satisfaits sur le sable du désert, comme ce peuple de Dieu qui couvrit de ses ossements les plaines sans fin de l’Arabie, et dont la nouvelle