Aller au contenu

Page:Sand - Lettres d un voyageur.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


IX

AU MALGACHE

15 mai 1836.

J’arrive au pays, et je ne t’y trouve plus ; une lettre de toi, datée de Marseille, m’arrive presque en même temps. Où vas-tu ?

        D’où nous venons, on n’en sait rien :
        Où nous allons, le sait-on bien ?

Je t’écris par la Revue des Deux Mondes ; tu l’ouvriras certainement à Alger.

Ce procès d’où dépend mon avenir, mon honneur, mon repos, l’avenir et le repos de mes enfants, je le croyais loyalement terminé. Tu m’as quitté comme j’étais à la veille de rentrer dans la maison paternelle. On m’en chasse de nouveau, on rompt les conventions jurées. Il faut combattre sur nouveaux frais, disputer pied à pied un coin de terre… coin précieux, terre sacrée, où les os de mes parents reposent sous les fleurs que ma main sema et que mes pleurs arrosèrent. Soit ! que la volonté de Dieu s’accomplisse en moi. Ce n’est pas sans un sentiment de dégoût qui va jusqu’à l’horreur que je prends encore une fois corps à corps l’existence matérielle ; mais je me résigne et j’observe religieusement un calme stoïque. Le rôle de plaideur est déplorable. C’est un rôle tout passif et qui n’a pas d’autre résultat que d’exercer à la patience. Agir est aisé, attendre est ce qu’il y a de plus difficile au monde…