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Page:Sand - Lettres d un voyageur.djvu/304

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pleutre, manqué, à côté du beau. Je le déshérite de ma sympathie, je lui retire mon souvenir, et je tiens pour épiciers et malappris tous les voyageurs qui s’y rendront par un beau temps.

Je me suis mouillé jusqu’aux os, ce qui m’a parfaitement guéri homœopathiquement d’un rhume obstiné ; c’est-à-dire que j’ai échangé une toux supportable contre une grosse fièvre qui m’a forcé de passer la nuit dans une auberge de village, presque à la porte de Genève.

Mais j’ai salué le Mont-Blanc de ma fenêtre à mon réveil, et j’ai vu sous mes pieds tout ce beau pays de Gex, étendu comme un immense tapis bigarré au pied de la Savoie, forteresse neigeuse élevée à l’horizon.

Genève.

— Messieurs, où descendez-vous ?

C’est le postillon qui parle. — Réponse :

— Chez M. Listz.

— Où loge-t-il, ce monsieur-là ?

— J’allais précisément vous adresser la même question.

— Qu’est-ce qu’il fait ? Quel est son état ?

— Artiste.

— Vétérinaire ?

— Est-ce que tu es malade, animal ?

— C’est un marchand de violons, dit un passant, je vais vous conduire chez lui.

On nous fait gravir une rue à pic, et l’hôtesse de la maison indiquée nous déclare que Listz est en Angleterre.

— Voilà une femme qui radote, dit un autre passant. M. Listz est un musicien du théâtre ; il faut aller le demander au régisseur.

— Pourquoi non ? dit le légitimiste. Et il va trouver le régisseur. Celui-ci déclare que Listz est à Paris. — Sans doute,