Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/143

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vous les dire brutalement pour réveiller votre âme endormie et faire naître en vous la conscience de la dignité humaine. Allons, comprenez : vous m’appartenez, et, si j’étais un libertin, voyez à quelle dégradation votre légèreté vous eût conduite ! M. Perez, quel qu’il soit, n’eût point osé trafiquer de vous si vite et si ouvertement, si votre faute ne lui eût fait penser que vous étiez pressée de vous perdre. À présent relevez-vous, ma pauvre enfant, si, comme je le crois, vous valez mieux que cela. Je suis un honnête homme, et nullement amoureux de vous ; j’ai voulu faire une bonne action. Je ne suis pas un saint, j’ai peut-être à expier des péchés de jeunesse. L’expiation m’est facile, je suis riche. Je vous traiterai donc comme ma fille d’adoption, si vous vous en montrez digne. J’ai voulu d’abord vous marier avec celui qui vous a compromise et je comptais vous assurer des moyens d’existence. Si je ne l’ai pas fait savoir à votre séducteur, c’est parce que je voulais l’éprouver.

» — Ah ! m’écriai-je, c’est un infâme, un misérable !

» — Peut-être oui, peut-être non ; mieux vaut croire que c’est un enfant irréfléchi, sans principes, sans conscience du bien et du mal, obéissant à l’instinct, au premier mouvement… comme vous, ma chère !