Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/63

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à le voir avec ce dédain que les enfants des riches ou doctes cités du Midi affectent pour la capitale. Vianne me la montra très-bien sous son vrai jour. Il sut combattre et vaincre mes préjugés provinciaux. Il sut aussi critiquer à propos le côté corrompu et insensé de cette grande civilisation. Si nous ne fûmes pas absolument orthodoxes en fait de conduite, nous nous défendîmes très-bien de l’entraînement aveugle, nous fîmes des réflexions philosophiques sur deux soupers ridicules, et nous quittâmes sans regret les délices de la grande ville au bout de huit jours.

J’avais un peu surveillé mon père, je m’étais assuré de son goût pour les jeux de bourse. Le matin de notre départ, je vis qu’il avait subi quelque déception. Sa figure était légèrement altérée. Il nous conduisit à la gare, et là, quelqu’un étant venu lui parler à l’oreille, il nous dit qu’il lui était impossible de partir ce jour-là, mais qu’il nous rejoindrait à Pau dans la semaine. Sans doute on venait de lui donner une bonne nouvelle, sa figure était riante. Je le quittai sans inquiétude.

Vianne prétexta quelques affaires à Pau pour rester quelques jours et reparaître chez nous. Je vis qu’il devenait très-sérieusement épris de ma sœur, et j’en glissai quelques mots à ma mère.