Page:Sand - Malgretout.djvu/120

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qu’il mesurât l’étendue de nos malheurs de famille et qu’il m’aidât à y porter remède.

Le coup fut très-sensible à mon pauvre père. Il se repentit amèrement d’avoir consenti à ce funeste mariage et de n’avoir pas tenu assez de compte de mes répugnances.

— Pauvre Adda ! dit-il en pleurant, c’est ma faiblesse qui l’a perdue. Je suis trop confiant, moi, je suis aveugle ! Ah ! je m’explique maintenant l’étrange disposition d’esprit que je lui reprochais ce soir, et que je ne devrais reprocher qu’à moi-même !

Je le consolai un peu en lui jurant qu Adda ne soupçonnait rien encore, et je lui demandai quelle explication il avait eue envers elle. Il me raconta que d’abord il l’avait grondée de ses taquineries, qui lui faisaient l’effet de coquetteries à l’adresse d’Abel. Elle s’était piquée et lui avait répondu que M. Abel lui faisait l’effet d’un poseur, entouré d’admirateurs intéressés comme M. Neuville. Abel était un écervelé qui perdrait tout à fait l’esprit et à qui tout le monde rendrait service en lui versant de l’eau froide sur la tête, comme elle avait essayé de le faire.

Mon père insistant pour la faire changer d’opinion, elle s’était obstinée à déprécier les deux artistes et lui avait reproché de m’envoyer à la promenade, seule, le soir, avec ces deux aventuriers. Elle avait ajouté des choses piquantes contre moi, assurant que la mélomanie me jouerait un mau-