Page:Sand - Malgretout.djvu/137

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voiture entra dans le parc ; mais ce ne fut point Abel et son ami qui en descendirent, ce fut mon beau-frère, M. de Rémonville. Son arrivée m’était fort indifférente ; mais je remarquai qu’elle était fort désagréable à ma sœur. Elle rougit, pâlit, se mordit la lèvre jusqu’au sang et lui fit un accueil glacial. Rémonville n’en parut ni surpris ni attristé. Je trouvai sur sa figure un redoublement d’audace et d’impertinence. Il alla saluer mon père et monta à son appartement, en priant sa femme de l’y suivre.

Quand ils descendirent pour dîner, je remarquai qu’Adda avait quitté sa toilette pour une robe très-simple, et il me sembla qu’elle avait pleuré. Abel et et Nouville venaient d’arriver. Mon beau-frère affecta d’appeler Abel mon cher et de lui offrir, d’un air de protection, une main qu’Abel ne prit pas dans la sienne et ne voulut point voir.

Ce début ne laissa pas de m’inquiéter, et, comme Abel me donnait le bras pour passer à la salle à manger, je pus le prier tout bas, en deux mots, de dissimuler son aversion. Il me répondit que je pouvais compter sur sa prudence.

En effet, il s’observa, et je remarquai qu’il éludait avec assez d’adresse toute occasion de causer directement avec Rémonville ; mais celui-ci était décidé à faire échouer la réserve de ses manières. Il le prit avec lui sur un ton de supériorité sociale, sans se soucier le moins du monde d’irriter un homme qui pouvait le démasquer devant sa femme.