Page:Sand - Malgretout.djvu/144

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rien n’était. Adda alla rejoindre son mari en me disant à l’oreille qu’elle craignait de le rendre jaloux en écoutant plus longtemps Abel. J’ignore si elle était dupe de cette jalousie ; quant à moi, je ne l’étais pas.

Abel et Nouville se retirèrent de bonne heure ; ils allaient passer la nuit à Givet ; de là, ils se rendaient à Dinant. Abel me demanda tout bas si je recevais bien directement les lettres qu’on m’écrivait. Je ne songeai pas à lui dire que je ne l’avais pas autorisé à m’écrire ; je le priai d’adresser poste restante.

Le lendemain, après avoir annoncé son départ, sans parler d’emmener sa femme et ses enfants, M. de Rémonville me pria de faire un tour de parc avec lui. Je m’attendais à ce qu’il reprendrait ses attaques de la veille sur le néant de l’art et des artistes ; mais il parut avoir oublié l’incident, et avec une incomparable aisance, il me pria de lui prêter encore une centaine de mille francs pour un excellent placement, une affaire admirable qui le mettrait à même de me rembourser, en moins de de trois ans, tout ce que j’avais eu l’aimable obligeance de lui avancer.

Je refusai net ; il insista et me força de lui dire que je ne ferais plus rien pour lui, quoi qu’il pût arriver.

Il reprit alors son ton âpre et son regard moqueur.