Page:Sand - Malgretout.djvu/191

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pour les rejoindre, j’avais été forcée d’y renoncer, je revenais pour me réintégrer dans mon désert des Ardennes. Moralement parlant, je ne faisais pas de mensonge, je voulais rompre avec Abel sans avoir la honte de dire pourquoi.

Mais son ami cherchait à deviner, il me regardait avec attention.

— Jusqu’où donc avez-vous été ? me dit-il. Vous avez été jusqu’à Lyon, je parie ! vous y avez vu Abel.

— Abel est à Lyon ? lui dis-je, essayant de jouer la surprise

Il ne répondit pas, il n’était pas dupe.

— À quel hôtel étiez-vous ? reprit-il.

Et, quand j’eus répondu, il s’écria :

— Vous l’avez-vu, vous l’avez blâmé, grondé peut-être ! Vous vous êtes fait du chagrin l’un à l’autre ! Oui, oui, allez ! je vois bien que vous avez plus de chagrin que de fatigue.

Je n’eus pas la force de lutter davantage. Je fondis en larmes et, pressée de questions, je lui racontai tout ce qui s’était passé. Il demeura un instant sans parler, me regardant toujours, puis il me dit en me prenant la main :

— Pauvre enfant ! pauvre chère miss Owen ! Oui, vous avez bien souffert, et, à présent, vous voulez rompre, n’est-ce pas ?

— Oui, sans explication, sans reproche. Je n’ai pas ce droit-là. Il ne m’a ni trahie ni offensée ;