Page:Sand - Malgretout.djvu/225

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sent. J’ai pris à tous leur mesure exacte, je n’en redoute aucun. Un jour viendra où je serai aussi utile à un souverain que je peux l’être aujourd’hui à une femme qui me demanderait conseil sur sa toilette. J’ai l’air d’attacher une grande importance à des choses futiles, on ne se doute pas des préoccupations sérieuses qui m’absorbent, on le saura plus tard, quand je serai reine, tsarine, grande-duchesse… ou présidente d’une république, car je sais bien que les peuples s’agitent et veulent du nouveau ; mais je ne crois pas à la durée de cette fièvre, et, présidente aujourd’hui, fût-ce en Amérique, je serais sûre d’être souveraine demain. Enfin je veux, après avoir joué un rôle brillant dans le monde, en jouer un éclatant dans l’histoire. Je ne veux pas disparaître, comme une actrice vulgaire, avec ma jeunesse et ma beauté ; je veux une couronne sur mes cheveux blancs. On paraît toujours belle, puisqu’on éblouit, avec une couronne. Je veux connaître les grandes luttes, les grands périls ; l’échafaud même a pour moi une étrange fascination. Je n’accepterai jamais l’exil, je ne fuirai jamais ; on ne me rattrapera pas, moi, sur le chemin de Varennes. Je ne deviendrai pas folle dans les désastres, je braverai les destinées les plus tragiques, je combattrai face à face le lion populaire ; il ne me fera pas baisser les yeux, et je vous jure que plus d’une fois je saurai le coucher enchaîné à mes pieds. Après cela, qu’il se réveille, qu’il se