Page:Sand - Malgretout.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du triomphe sur le front, et je dois dire qu’il n’a jamais été aussi beau ! — Chère miss Owen, ne m’en voulez pas. Je ne suis pas votre ennemie, et vous n’avez pas affaire ici à une femme, c’est-à-dire à un de ces enfants jaloux et cruels qui sont, charmés de découvrir une tache dans l’albâtre, une empreinte suspecte sur la neige, et qui se hâtent de briser les idoles respectées avec une joie furieuse. Moi, n’ayant pas de faiblesse à me reprocher, je plains l’erreur des autres et ne la signale jamais. Je vous ai gardé un secret absolu, voilà pourquoi je vous ai ouvert mon âme sans réserve, certaine que ce serait un contrat réciproque, sacré pour vous comme pour moi… vous ne pouvez pas dire le contraire !

Je fus offensée du ton d’autorité dédaigneuse que prenait mademoiselle d’Ortosa. On n’a pas vécu vingt-trois ans irréprochable et pure jusqu’au fond de l’âme pour se laisser humilier par une ambitieuse extravagante.

— J’en suis fâchée pour vous, lui répondis-je avec fermeté, mais vous serez forcée de vous en rapporter à ma générosité, car vous m’avez dit vos secrets, et vous êtes libre de divulguer les miens. Vous avez cru surprendre un rendez-vous, vous n’avez surpris qu’une grande surprise de ma part. Vous pouvez donc raconter que vous avez vu M. Abel faire une folie à laquelle je ne m’attendais pas et que je n’avais pas autorisée. Si vous avez