Page:Sand - Malgretout.djvu/250

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voulait rester près de moi jusqu’au retour de mon père et de ma sœur. Dans ma maison, ce n’était vraiment pas possible ; dans mon voisinage, il était connu, et, d’ailleurs, pourrions-nous passer plusieurs jours sans nous voir, nous sentant près l’un de l’autre ?

— Comment, s’écria-t-il, je vais vous reconduire chez vous ce soir, et nous nous dirons encore adieu ! Non, ce n’est pas possible. Vous êtes là, je vous tiens, je suis ivre de joie, nous mangeons ensemble, nous sommes tête à tête comme deux époux, et parce qu’on pourra le savoir et le dire, nous allons nous quitter ! Non, Sarah, je ne veux pas, je vous enlève ! Ce pays est une solitude immense ; faisons deux lieues à travers les bois, et personne ne nous y connaît plus. On sait chez vous que vous êtes en excursion ; on ne sait quand vous comptez rentrer, car vos gens m’ont dit qu’après les grottes de Han vous iriez peut-être voir celles de Rochefort. N’y allons pas, fuyons les lieux habités ; allons à l’aventure, ne nous quittons pas surtout ; si vous me quittez, vous aurez encore peur de moi ; on vous ébranlera, on vous dira d’attendre ; moi, je n’attends plus, ou je deviens fou !

J’essayai de résister. Il eut l’air de céder, et nous montâmes dans la voiture qu’il avait amenée ; il avait renvoyé la mienne à Givet. La soirée était humide et fraîche. Il m’enveloppa d’une peau d’ours blanc, fine et souple comme de la soie, qu’il